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Endométriose, myopathie et haut potentiel intellectuel : pourquoi je n’ai rien su avant 30 ans ?

Temps de lecture : 12 minutes (mais c’est intéressant… 😊)

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M’en parlez pas, je sais que cela semble fou, parce que bon quand même, on parle de 2 pathologies et d’une condition qui ont un impact considérable sur la vie quotidienne, sur la construction d’une personne et de son identité.

Pour autant la réponse est particulièrement simple, elle défie les probabilités, un peu comme un tirage gagnant à la loterie, mais je cumule simplement les circonstances favorisant l’errance médicale, je représente à moi seule un défi pour les statistiques : je suis une femme, d’origine maghrébine, issue d’un milieu social où l’accès aux soins fonctionne de façon à rendre presque impossible le diagnostic d’une maladie très rare, et où on ne porte que peu d’intérêts à la psychologie. Il ne s’agit pas de constats basés sur mon expérience, nombre d’études démontrent ce que j’avance, toutes les sources sont à retrouver en fin d’article. Les troubles du comportement, les troubles autistiques « légers » ou la précocité sont rarement détectés dans les milieux populaires, quand les classes supérieures font passer des tests à leurs enfants au moindre doute. D’ailleurs si 2,5% de la population a un haut potentiel intellectuel, on peut remarquer que généralement seuls les enfants blancs relativement favorisés sont détectés, et qu’on pourrait jusqu’à se méprendre et conclure, qu’il y a plus d’enfants doués dans certaines catégories sociales que d’autres. Le fait est qu’ils sont également plus stimulés alors qu’un milieu très pauvre peut aller jusqu’à compromettre la précocité d’un enfant, à la façon d’un sportif qui ne travaille pas ses muscles. Dès lors, pour les gens comme moi la détection se fait à l’âge adulte, si ce n’est jamais.

Quand bien même il y a une offre médicale qui s’avère suffisante, non surchargée faute de moyens, sa qualité est souvent moindre, et il est prouvé que les étrangers, dans le cas des cancers notamment, et a fortiori les femmes sont moins bien informés. Prenons le cas des grossesses, pour lesquelles les inégalités sont très importantes quand il s’agit de leur suivi, et de la rapidité de prise en charge, d’où un taux de mortalité plus élevé durant la grossesse et après la naissance ainsi qu’un taux plus important d’enfants handicapés. J’étais horrifiée l’année dernière quand j’ai entendu mes grands-parents discuter, persuadés qu’ils avaient eu un fils handicapé moteur et mental, parce que ma grand-mère aurait pris trop de calcium pendant la grossesse. Ma grand-mère est analphabète mais elle est loin d’être stupide, comment a-t-on pu leur laisser penser une chose pareille ? Les culpabiliser de cette façon, quelle horreur. Ce même fils qui est décédé dans le centre dans lequel ils avaient dû le placer, à cause de la négligence du personnel soignant, il aurait ingurgité par inadvertance un « médicament dangereux ». Ma famille avait intenté un procès, il ont obtenu 5000 francs en guise de « réparation », soit moins de 1000 euros. Je vous laisse imaginer la somme que toucherait la famille d’une classe sociale supérieure. J’avais 12 ans, et ce n’était que le début. Ce serait l’occasion de parler des conditions de maltraitance des centres pour handicapés qui en France sont généralement une honte, car le pays ne veut pas les accompagner comme il se doit, parce qu’on préfère garder l’argent pour les riches, qui aiment penser qu’on les déteste alors qu’on déteste leurs privilèges et ce qu’ils en font mais ce sera pour une autre fois.

A titre d’exemple, la Seine-Saint-Denis est un « département qui présente des taux de mortalité périnatale et infantile de 30 à 50 % plus élevés que la moyenne française depuis le début des années 1990 ». De manière générale, la prise en charge sera moins rapide et moins bonne si vous êtes noire ou parlez avec un accent étranger : dans le cas d’un infarctus, même si les patients sont pris en charge au même moment pour une douleur thoracique , un patient blanc bénéficiera d’un bilan plus approfondi et d’un meilleur parcours de soin*. (Si le sujet vous intéresse je vous laisse plein de ressources à la fin de l’article.)

J’évoque cependant le système en n’ignorant pas, que pour ma part j’ai eu des parents si particuliers, que si mes grands-parents n’avaient pas été là, ma soeur et moi aurions fini par être placées ou livrées à nous-même.

Ce qui a été le plus dur à gérer dans le processus d’acceptation de ma maladie, ce sont les flashbacks, tous ces moments où ton cerveau ne peut s’empêcher de retracer toute ta vie, en repérant ces milliers de moments où tu t’es sentie démunie, différente, honteuse, et surtout en repérant les centaines de moments où les grandes personnes auraient dû voir. Il ne m’a pas fallu seulement accepter ma maladie évolutive, il m’a fallu aussi gérer la boite de Pandore qui s’est ouverte ce jour de juin 2017 : je savais que mon enfance m’avait laissé son petit lot de traumatismes, je les avais plutôt bien gérés, en toute autonomie, mais j’avais une nouvelle composante dans les pattes, attends attends, il y avait une raison à tout ça ?

C’est ce point en particulier, cette révélation « ahhhhh mais c’était donc ça » et l’effet Pandore, qui ont fait que j’ai alors alors également commencé des investigations sur ma psychologie en remettant en perspective ma vie passée : si ma détresse physique s’expliquait, si la comprendre avait changé ma vie du jour au lendemain, alors peut-être que ma souffrance psychologique et ma bizarrerie s’expliquaient aussi, et se comprenaient aussi.

Je vous ai parlé à plusieurs reprises de mon endométriose qui causait ma stérilité, et de cette myopathie diagnostiquée très tard, quand après un évènement un membre de ma famille a vu quelque chose qui était là sous ses yeux depuis 30 ans, mais qui devenait alors trop flagrant pour être ignoré, ou que je puisse continuer à le cacher. C’était si dur pour moi, d’être considérée comme une petite fille qui chouinait à chaque fois qu’il fallait marcher, accusée systématiquement de faire la comédie comme on disait chez moi, de me faire appeler « la grosse » un peu tous les jours, que je contrais cette violence en m’en infligeant une autre : toute ma vie j’ai caché au maximum mes difficultés physiques, ainsi que mes particularités psychologiques. Je me suis sur-adaptée, comme peuvent le faire les enfants et plus particulièrement les petites filles qui ont une plus grande capacité d’adaptation et de dissimulation (cela n’a pas vraiment avoir avec la biologie, mais avec l’éducation : je vous conseille cet excellent article qui fait état des études sur les différences en fonction du genre). J’ai déjà pu penser que c’était à cause de mon caractère, en réalité je n’ai pas eu le choix de faire autrement.

Je savais que quelque chose clochait chez moi, mais je savais aussi que comme pas mal d’enfants qui m’entouraient, ma parole n’avait aucune sorte d’importance, presque partout elle était niée, ce qui a contribué à mon ostracisation : qu’il s’agisse de ma famille ou des gens de l’extérieur, j’avais l’apparence d’une enfant en décalage, comme beaucoup d’autres, quand j’étais en réalité une enfant dans une profonde solitude, qui comprenait un peu trop bien les adultes, mais qu’on ne parvenait pas à comprendre, non pas que j’étais seule, j’ai une grande famille, d’ailleurs jusqu’à mes 17 ans je dormais dans le salon, ayant besoin de beaucoup d’isolement j’avais appris à compenser. J’étais sans cesse entourée, mais j’avais un monde entièrement à moi, où presque personne ne savait entrer, et à l’extérieur j’étais une gosse si discrète et mature que j’avais une liberté sans limite, je n’avais de comptes à rendre à personne. Sauf qu’à 12 ans quand tu as cette liberté, elle s’accompagne de son pendant négatif : le désintérêt qu’on te porte.

Ma grand mère disait de moi que j’avais la tête sur les épaules comme personne, elle était très fière que je reste toujours loin des problèmes, mais elle disait aussi que j’étais une gosse complexée, et renfermée, parce j’aimais pas dire bonjour aux gens qui débarquaient sans prévenir à la maison, que je n’aimais pas aller chez ses copines et jouer avec leurs enfants, que j’aimais trop le silence. La dernière fois que je l’ai vue, elle plaisantait en évoquant le jour où elle est descendue donner des perruches (qu’on avait depuis quelques jours) à quelqu’un dans la rue, parce que leurs sifflements permanents me devenaient insupportables. J’avais seulement la cuisine en dehors des repas pour faire mes devoirs, sauf qu’on vivait dans un moulin, chacun venait et partait à sa guise, ajoutons à cela un bruit répétitif, nous avons la définition d’un de mes pires cauchemars. On riait aussi du fait qu’au milieu de la nuit je me levais pour enlever les piles des réveils et pendules, elle adorait ces trucs, ils étaient ma hantise !

Je n’étais pas au bagne donc, ma grand-mère m’a donné beaucoup d’amour, et d’acceptation même lorsqu’elle ne me comprenait pas, à part se moquer de moi quand je prenais un tabouret pour laver les vitres du bas, je me demande bien ce que je pourrais lui reprocher. Elle m’a emmenée chez le docteur quand je disais que j’avais très mal aux jambes, il lui répétait que c’était la croissance, que pouvait-elle faire de plus, sans savoir lire, et avec son accent ? Le même docteur qui m’accusera plus tard de chercher des excuses pour être dispensée de sport. Je ne peux même pas compter le nombre de fois, où je l’ai vue se faire dominer par un homme blanc. C’est certainement grâce à ces moments que je me suis jurée que cela ne m’arriverait jamais, que je la vengerai d’une certaine manière – j’y tiens à la vengeance, elle me préserve – j’ai pris conscience des conséquences du patriarcat et des inégalités à un âge où on n’est pas censé le comprendre. J’ai rarement pensé qu’un homme était supérieur à moi, j’ai beaucoup plus de complexes d’infériorité liés à ma classe sociale qu’à mon genre. Parce qu’un homme n’a aucune raison d’être supérieur à moi, au contraire avec son éducation en carton, alors qu’un bourgeois dispose d’une multitude de choses que je moi je n’ai pas, comme une culture que je ne pourrais jamais égaler.

Je fais cette digression car je tiens à dire que dans ces milieux défavorisés, même les parents aimants et investis se retrouvent facilement démunis. Ils doivent faire face à un mépris généralisé, comme je l’écrivais plus haut.

On me regarde très étrangement quand je dis que petite j’adorais l’Ecole, que les vacances scolaires me rendaient malheureuse, parce que c’est à contre courant, mais quand on connait quelques détails de mon enfance il s’agit d’une évidence. L’Ecole, c’était tout simplement l’endroit où je me sentais le mieux, parce qu’on m’apprenait des choses, on me donnait de la place, on s’intéressait à moi, on était fiers de moi, on me félicitait, et plus que ça, j’ai eu des professeurs d’exception, et qui m’aimaient bien. Peut-être parce que je dénotais, j’étais dans un collège ZEP, puis dans un lycée au niveau moyen. Les professeurs à l’inverse avaient un excellent niveau, et une réelle volonté de nous aider à nous en sortir. Mes facilités et mon potentiel les « enchantaient » car il n’avaient pas les obstacles habituels à dépasser, sauf les profs d’histoire qui n’ont jamais su m’intéresser.

Il se trouve que j’avais décidé de ne pas aborder « publiquement » ce sujet car il peut susciter pas mal d’animosité. Mais ici c’est mon journal, je n’ai pas envie de cacher un truc qui constitue une partie de moi et de régresser par peur des autres, non c’est dans la vraie vie que je n’en parlerai plus, car j’ai essayé 3 ou 4 fois, et il suscite des réactions que j’ai du mal à accepter. Tout le monde devrait travailler sur son égo, au lieu de nous en faire subir les failles, on ne nait pas avec des bonnes intentions et la bienveillance n’est pas innée.

Quand tu détestes les étiquettes, tu rejettes encore plus facilement celles qui te concernent. Surtout quand elles peuvent te faire connaître encore plus l’incompréhension voire l’intolérance de l’autre. Je savais que j’avais toujours eu des capacités plus élevées que les autres enfants de mon âge, mais pour autant une fois adulte m’associer au mot « surdouée » était une hérésie. Point de fausse modestie, j’étais influencée par les clichés. Car les mots sont galvaudés, les définitions confondues, les fantasmes de l’enfant prodige sont montés à la tête de bien des parents.

Un enfant considéré précoce, a simplement un QI égal ou supérieur à 130, cela implique un fonctionnement cérébral légèrement différent, les informations circulent en empruntant d’autres chemin, un peu plus rapidement on va dire, cela n’en fait pas du tout des génies, eux peuvent atteindre des chiffres invraisemblables. C’est à cause de ces représentations de l’enfant précoce dans les médias, à la télé et au cinéma que j’ai écarté cette option très longtemps quand on me l’a évoquée. Je ne savais pas calculer de tête la racine carré de 38373, je n’ai pas de mémoire photographique, donc je cherchais forcément ailleurs. Je pensais sincèrement qu’on me détecterait un jour borderline ou bipolaire, ou que sais-je encore. De la même façon, le spectre autistique dans les fictions est essentiellement toujours représenté par des profils asperger avec le cerveau d’Einstein.

Disposer d’une liberté sans limite à 12 ans, revient à avoir une autonomie assez particulière pour cet âge. Dès la sixième je gérais mon carnet de correspondance, je gérais mes absences si nécessaire, je crois bien qu’ils n’avaient jamais vu la signature de mes parents à l’école. Car je remplissais et envoyais aussi les dossiers d’inscription et de bourse, c’était normal. Ainsi je n’ai jamais eu un seul parent en réunion parent-prof. En sixième j’avais un professeur de français avec qui on avait un petit jeu, il me taquinait les rares fois où il parvenait à trouver une faute dans mes dictée. « Ah je t’ai eue » qu’il disait, c’était particulièrement adorable et valorisant. Quand Madame Moreau ma professeur de français en cinquième était surprise des phrases que je construisais, je me souviens qu’elle me disait avec un grand sourire que j’étais en avance. Que ce serait bien qu’elle parle à mes parents. Elle a bien vu que ce serait compliqué quand personne n’est venu à la seule représentation de théâtre qu’on avait à l’école. J’étais la seule élève qui n’avait personne dans le public mais je m’en fichais et cela m’arrangeait presque. Vous voyez cette scène dans Amélie Poulain, quand son père qui est docteur pense qu’elle a un problème cardiaque quand il l’ausculte, alors que son coeur se met à battre fort uniquement parce que c’est le seul rapprochement physique qu’elle a avec lui de toute l’année `? Cette scène c’est la métaphore de la relation que j’ai avec ma mère. Si elle s’était intéressée de cette façon à moi, la Terre se serait peut-être arrêtée de tourner. Comme je gérais le cahier de correspondance ils n’ont peut être pas su. Le désintérêt qu’on accorde à la parole de l’enfant chez moi n’a fait que renforcer ma discrétion au sein de mon propre foyer. Personne ne savait qui j’étais, comment je vivais, et les crises intérieures que j’avais. Je n’étais pas une enfant myopathe et précoce, j’étais une enfant fainéante et renfermée avec de gros mollets, alors vous pensez bien. Personne ne connaissait ma phobie sociale, ne savait que les relations amicales étaient un casse tête, tout un tas de détails qui constituaient ma vie, comme mes moments d’errance dans la rue, le réconfort que je trouve dans l’option du suicide, ou le fait que par facilité je mangeais seule à la fac dans une sale vide, jusqu’à ce que je rencontre P., avec qui c’était facile. Il n’y en a pas eu beaucoup des personnes avec qui c’était facile. Je ne remercierai jamais assez A. qui est venue me voir quand je tournais autour de mon arbre au CP. Quand le hpi s’est confirmé et que je me suis refait tout le parcours, j’ai fondu en larmes en pensant au rôle capital qu’elle et sa soeur jumelle avaient eu dans ma vie. Grâce à elles qui savaient qui j’étais et qui avaient une tolérance et une gentillesse aussi importantes que celles qu’on m’avait enseignées, à elles qui était populaires, je n’étais pas seule et j’avais trouvé un équilibre.

Madame Moreau disait donc que j’étais en avance, mais enfin, j’étais la seule élève qui allait lire au CDI pour le plaisir de lire, qui ne manquait pas un seul épisode de « C’est pas sorcier », passionnée par les premières encyclopédies en cd-roms, forcément j’étais en avance, c’est que j’étais la définition même d’une nerd, quand les autres jouaient entre eux et avaient d’autres chats à fouetter. Quand ça marchait pas avec les autres enfants, évidemment que ça me rendait triste, mais je lisais et c’était bien comme ça, au moins je me forçais à rien. Dans ce genre d’établissements, même quand les profs parviennent à détecter un éventuel haut potentiel, ou un trouble du comportement, il n’y a parfois aucun dialogue possible avec la famille.

Et quand bien même ils seraient tous détectés par le corps professoral, c’est un problème de « riches », les tests coûtent une fortune. J’ai vu une psy spécialisée, pas pour qu’on me dise que je suis soit-disant intelligente ou avoir un truc de plus à écrire dans ma bio, mais pour avoir une confirmation ou non, et de l’aide dans mes fonctionnements qui me font parfois moralement tomber très bas. C’est assez évident en réalité, pour elle comme pour moi, le test n’est pas forcément obligatoire à l’âge adulte, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, il est dans certains cas moins important que l’analyse en elle-même. Ceux qui veulent absolument le passer, doivent se demander pourquoi. Je ne ressens aucun besoin pour le moment de le faire pour préciser où je me situe, d’autant que c’est un monde d’attrapes-couillons, une vraie pompe à fric qui exploite les insécurités de gens souvent démunis. Ce sont des métiers que j’ai toujours pensés humanistes, c’est tout le contraire. Le principe m’agace fortement. Si je passais ce test à 34 ans, ce serait exclusivement pour le regard extérieur que j’évoquais tout à l’heure, à savoir pouvoir le prouver avec un papier aux gens qui me remettraient en question. Mon dieu.

Si je ne veux pas savoir mon QI exact c’est aussi parce que la question du « j’aurais pu » est déjà sensible et fait des dégâts dans ma tête, et j’ai l’impression que seule je ne réglerai jamais ce problème. Le passé te hante forcément quand il a encore un impact quotidien sur toi, quand il a encore le pouvoir de déterminer ton futur. Le déterminisme social, quand tu es née où il ne fallait pas, c’est une épée de Damoclès. Mais j’ai beaucoup de méfiance envers les psy, j’ai du mal à payer 70 euros pour parler avec quelqu’un 1 heure, souvent pour rien, donc j’ai tendance à vouloir régler mes névroses seule.

J’ai souvent le besoin de me justifier, mais pour ce sujet là je ne pense que ce soit uniquement de mon fait, si j’ai peur de dire explicitement que je suis « douée », « haut potentiel », ou « zèbre » – s’il existe autant de termes pour désigner la même chose ça montre bien le problème de légitimité qui est sous jacent à cette condition – c’est parce que les étiquettes vont de pair avec les préjugés, on ne peut y rien faire.

Mais demande-t-on aux autres de se justifier, ou de culpabiliser quand ils sont plus beaux que la norme, mieux gaulés que la norme, plus sportifs que la norme ?

Non.. et quand bien même on s’accorde très souvent quand on me connait à me considérer comme une personne intelligente, j’ai l’impression que c’est le seul domaine où on nous impose de rester modeste pour ne pas heurter la sensibilité des autres.

Ah oui parce qu’en plus de ça je suis foutue dans la case des « jolies filles », donc cela est antinomique avec le fait que je sois intelligente. Doit y avoir erreur sur la marchandise. D’où les articles où je vous disais que je me sentais parfois vraiment considérée comme une fille stupide au premier abord. Les hommes ont beaucoup de mal avec une femme plus intelligente qu’eux, alors si en plus elle est jolie c’est que les planètes ne sont pas alignées comme il faudrait. Une femme n’a le droit d’être intelligente que si elle est moche.

Quand j’ai quitté ma formation d’ingénieur pour aller en fac de Lettres et Sciences sociales je me souviens d’un professeur de littérature comparée, si j’avais été plus faible psychologiquement je serais partie en courant. Un peu de racisme (il y avait très peu de « racisés » dans cet fac déjà), de misogynie (parce que j’ai pas la tête de l’emploi) un peu de mépris parce qu’une « scientifique » qui débarque avec 2 mois de retard en cours de Lettres s’est prise pour qui au juste. Après m’avoir dit de lire 2 romans et de rattraper ses cours pour des partiels arrivant dans 3 semaines, il ajoute que ce sera impossible, puis me donne le nom des oeuvres. Je crois bien que j’ai un fou rire à l’intérieur. Le thème était la science fiction et il s’agissait des 2 livres que j’ai eus à lire en seconde, la fameuse année où l’idée m’a pris d’aller dans un Lycée bourgeois avec un programme très prétentieux, censé formé la fine fleur des scientifiques. A savoir « Le meilleur des mondes » de Aldous Huxley, et « La planète des Singes » de Pierre Boule. J’arrive donc dans un cours où le partiel consiste à analyser et comparer mes 2 livres préférés de Science Fiction. A remettre en question le système… Et bien il ne faisait pas la même tête à la remise des copies anonymes – parce que sinon ce serait moins drôle – j’ai eu la meilleure note. Les hommes qui dans l’idéal auraient juste envie de te baiser ont du mal à voir que ton cerveau n’est pas atrophié. Et c’est tout le temps ! (Si je commence à vous parler des années où j’ai évolué, de part le métier de mon ex-mari, dans le monde de la « start-up nation », on est repartis pour 10 minutes de lecture.)

Pourtant en arrivant dans cette fac je pensais que j’allais me faire démolir par ces élèves aux formations littéraires, qui parlaient d’art, tout en sortant machinalement le tabac de leur pochette jaune, pour rouler leur clope qu’ils fumaient ensuite allongés dans l’herbe. Des artistes qui discutaient de la pertinence de l’urinoir de Duchamp, une oeuvre qui aurait marqué le 20° siècle, quand moi je voyais juste un bobo qui avait sculpté des chiottes.

J’avais tout à apprendre.


Et vous, avez-vous des expériences invraisemblables, avez-vous connu l’errance médicale ? En tant que femmes pour la plupart je présume que vous avez quasiment toutes connu une forme de violence ? Comme avec ce gynéco spécialisé en endométriose qui vient juste d’être mis en examen pour les violences qu’ils inflige à ses patientes depuis des années, avec une direction qui s’en fichait… Bref à moi de vous lire !

DES BISOUS.


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Sources et pistes :

  • Un parfait résumé : Une médecine de classe ? Inégalités sociales, système de santé et pratiques de soins, Maud Gelly, Laure Pitti dans la revue Agone, pages 7 à 18 consultables en ligne grâce à Cairn.info
  • Les Inégalités sociales de santé, Paris, La Découverte, 2000, Didier Fassin, Hélène Grandjean, Monique Kaminski, Thierry Lang, Annette Leclerc, p. 151
  • *Inégaux face à la santé, Annette Leclerc, Monique Kaminski, Thierry Lang, Paris, La Découverte/Inserm, p. 190-205 et p. 198.
  • L’enquête menée depuis 2002 par le Groupe d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle en Seine-Saint-Denis visant à connaître, faire reconnaître et prévenir ces cancers.
  • La Relation médecins-malades : information et mensonge, Sylvie Fainzang, Paris, PUF, 2006
  • « Comment comprendre le risque élevé de mortalité infantile et périnatale dans une zone géographique ? L’exemple de la situation en Seine-Saint-Denis », Priscille Sauvegrain, Marion Carayol, Anne Ego, Catherine Crenn-Hebert, Martine Bucourt, Jennifer Zeitlin, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2015, n° 6-7, p. 116-122 et p. 120-121
  • « Le tiers payant en médecine générale. Journal d’une généraliste d’un quartier populaire de Paris », Mady Denantes, Les Tribunes de la santé, 2015/3, n° 48
  • « Pratiques culturelles, profession et consommation médicale », Pierre Mormiche, p. 42
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3 Comments

  1. Lauriane

    Je t’ai laissé un message sur Instagram, mais je te laisse quand même un petit comm, merci pour toutes les infos et comme souvent j’ai adoré te lire. Bises !

  2. Chaimae

    Je ne sais même pas par où commencer… Ca fait des années que je te lis (pas régulièrement mais de temps à autres, je tombe sur un mail ou un tweet et je pense à aller regarder) et c’est incroyable comme des fois, on dirait que nos vies sont parallèles (sauf pour la partie maladie, par contre, pour laquelle je te souhaite beaucoup de courage, faute de pouvoir faire mieux =/).

    Je me reconnais dans la petite fille qui se débrouillait tout seule, n’avait jamais à faire relire ses devoirs, avait de bonnes notes sans réellement essayer et qui passait son temps à la bibliothèque, juste pour le plaisir de lire et être tranquille, vu comme ça ne marchait pas avec les autres de mon âge. Je me reconnais dans le sentiment de m’être suradaptée depuis mon plus jeune âge (« apprendre à regarder les gens dans les yeux », « apprendre à tolérer le bruit », « apprendre à calmer ma respiration quand les gens me parlent »… je n’avais pas plus de 7 ans…). Je me reconnais aussi dans la réaction au diagnostique (étant d’origine marocaine, d’un milieu modeste même si par rapport à d’autres, j’ai eu beaucoup de chance! mais ayant été maltraitée physiquement et psychologiquement… comment un truc aussi cassé peut être « supérieur » (car ainsi est l’étiquette qu’on colle aux HPI alors que (et merci de l’avoir souligné!) c’est juste un fonctionnement différent, rien de plus) ???)

    Bref, j’ai été diagnostiquée HPI/HPE il y a 4 ans maintenant et je n’arrive toujours pas à m’y faire. Comme toi, je n’ai pas voulu passer le test, je pense que je serais dévastée, quelque soit le résultat. L’autisme léger aussi, on en a parlé avec ma psy… J’ai l’impression de m’être construite en oubliant une composante importante de ma personne… Bref!

    Ah et voici mon passage préféré:
    « Non.. et quand bien même on s’accorde très souvent quand on me connait à me considérer comme une personne intelligente, j’ai l’impression que c’est le seul domaine où on nous impose de rester modeste pour ne pas heurter la sensibilité des autres. » hahaha

    Bref, touuuuut ça pour te dire que j’ai adoré ton article!!!

    1. dollyjessy

      Merci pour ton retour Chaimae, je me souviens de toi d’ailleurs donc ça me fait d’autant plus plaisir !
      C’est dommage qu’on ne se soit pas rencontrées ahaha, maintenant que je sais, les relations sociales sont moins un mystère pour moi, ces différences de goûts et d’intérêts s’expliquent, tout comme les relations qui s’avèrent très faciles parfois quand on tombe sur une personne en particulier, même si c’est rare. En tout cas je comprends tout à fait ce que tu décris, et te souhaite bon courage, c’est quand même chouette de le savoir, on se fait moins de mal, personnellement je suis plus douce avec moi parfois, depuis que je sais :)

      Au plaisir de te revoir très vite par ici <3

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