Féminisme, Mood

Pourquoi les femmes ne partent pas ? (TW: Violence conjugale)

On entend souvent dire des femmes battues qu’elles pourraient partir, qu’elles choisissent de rester et de subir la violence de leur conjoint. Cette ignorance est le résultat d’une incompréhension des mécanismes des relations d’emprise, et d’une méconnaissance du système de justice concernant les violences faites aux femmes. Qu’elles soient des femmes battues ou qu’il s’agisse de violences sexuelles, elles ont rarement une solution viable qui se présente à elles.

1 / La compassion et la culpabilité

Notre éducation en tant que femme nous pousse à ce qu’on appelle l’abnégation, lorsque nous aimons, nous développons un sens du sacrifice et une compassion exacerbée qui nous permet de toujours trouver des excuses à notre conjoint. On fait naturellement passer son bien être avant le notre*.

Il est vrai que les hommes souffrent beaucoup d’être éduqués « à la dure », alors quand c’est le cas de notre conjoint on a tendance à excuser sa violence qui est due à des émotions non canalisées, ou qui constitue une reproduction de la violence qu’il a lui même subie.

2 / L’emprise

Ce sens du sacrifice prépare le terrain à la relation d’emprise : on accepte quand il nous parle mal, on laisse passer une fois, deux fois, parce que « le pauvre », puis parce qu’on ne veut pas le provoquer au vu de son caractère qui peut s’avérer imprévisible, on ne fait pas de vague pour ne pas gâcher l’ambiance. On prend alors l’habitude, on marche sur des oeufs en permanence, et quand la violence devient physique c’est comme si c’était la suite logique. Sans oublier que le dénigrement et la manipulation qu’ils mettent en place fonctionnent, la femme pense qu’elle est nulle, qu’elle fait tout de travers et qu’elle mérite certainement ce qu’elle subit.

–> L’inversion de la culpabilité :

Une fois sous emprise avec la défaillance psychologique qui va avec, ils parviennent aisément à troubler la perception de la réalité de leur conjointe, à entrer dans leur tête, à les faire douter : il s’agit du même fonctionnement qu’une secte. Ils parviennent à leur faire penser qu’elles ont provoqué leur violence (ils font pareil avec l’infidélité).

–> Les phases de lunes de miel

Les hommes violents peuvent fonctionner par phases : dans leurs moments d’accalmie ils promettent qu’il vont changer, qu’ils aime vraiment leur conjointe, ils supplient quitte à en pleurer ou menacer de ne pas pouvoir vivre sans elle. Ils provoquent ce fameux chaud froid qui font que des femmes portent plainte et retirent leur plainte le lendemain, demandent de l’aide puis ignorent d’elles même l’assistance sociale qu’elles ont sollicité.

3 / L’anesthésie

On peut parfois se demander comment les femmes qui sont si violentées au cours de leur vie font pour tenir. Toute cette violence subie peut conduire à un état d’absence partielle, on active un mode de pilote automatique. Il s’agit d’un état de sidération, on se déconnecte suffisamment de soi pour tenir bon. C’est ce qu’on appelle la dissociation traumatique. Vous voyez ces situations où vous pouvez parler avec précision d’un évènement dramatique sans pour autant manifester la moindre émotion ?

Une femme qui a été victime de violence physique et/ou sexuelle dans son enfance ou dans son passé, a déjà activé cet état de déconnexion qui la pousse une fois adulte à se considérer inconsciemment comme un objet, elle aura plus de chance (16 fois plus) de se retrouver dans des relations d’emprise. Une victime de violence a souvent connu ce mode de relation qu’elles a alors normalisé. Les pervers narcissiques repèrent ainsi leur proie.

4 / L’impossibilité de partir et la peur : l’inaction du système

L’anesthésie est renforcée par l’absence de solution et la fatalité de la situation. Partir et porter plainte ne fonctionne pas, une femme qui le fait sait qu’elle sera retrouvée et que souvent elle le payera davantage. La grande majorité des femmes tuées par leur conjoint avaient porté plainte à plusieurs reprises.

Il faut donc le faire en se cachant, dans d’autres villes, dans des foyers pour femmes, et surtout si on a des enfants accepter de leur faire vivre cette situation.
On en vient à l’emprise financière : dépendre du service public conduit à une précarité assurée, une femme qui dépendait financièrement de son conjoint peut par exemple se retrouver sans domicile fixe et ne sera pas plus en sécurité dans la rue que chez elle.

Le seul moyen de partir est d’être bien entourée et d’avoir suffisamment de moyens pour ne plus avoir aucun contact avec l’homme violent.

Sachant que même si elle en a les moyens financiers il s’agit de chambouler sa vie du tout au tout, on ne peut pas forcer une femme à partir, et encore moins l’interner de force alors que c’est elle qui subit la violence.


Dans le prochain article je posterai la partie sur la solution à apporter à la violence masculine qui gangrène la société, et qui on va le voir brièvement s’apparente à la consommation de d’héroïne.

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2 Comments

  1. Astrid

    Merci pour ton article très intéressant, et qui est malheureusement criant de vérité. Notamment, je n’avais pas envisagé la violence comme une drogue, cela apporte un nouvel éclairage. J’enrage sur le manque de solutions apportées aux femmes victimes de violence, ta conclusion est tellement triste (et si vraie).

    1. dollyjessy

      Merci beaucoup pour ton retour sur le blog, ça change d’instagram :)

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