Féminisme, Mood

La violence masculine, une addiction créée par notre société

Cet article fait suite à l’article précédent : Pourquoi les femmes ne partent pas ?

1 / Comprendre son addiction pour la soigner

Si on ne peut pas forcer les femmes à partir, on peut les protéger des hommes, et cela ne doit pas reposer sur la répression à tout prix, car pour éviter qu’ils ne récidivent, il faut traiter le problème à la racine. Il est nécessaire de penser une sorte de désintoxication à la violence.

Les hommes violents sont comme des addicts, ils sont dépendants à la violence, car c’est par elle qu’ils « traitent » leurs traumatisme. Pour faire court, les actes de violence agissent directement sur le cerveau en produisant des hormones équivalentes à la kétamine et la morphine. Une agression est un shoot qui agit à la façon d’une drogue sédative : l’agresseur pour gérer ses émotions, cherche à atteindre un état de dissociation.

Un homme qui a des traumatismes non traités va développer une accoutumance et avoir besoin d’une dose toujours plus forte.

On entre alors dans une escalade de la violence, des mots durs se transforment en claques, qui elles se transforment dans les pires des cas en féminicides en l’espace de quelques années.

Si cette violence n’est pas envers une femme ou un autre homme , c’est envers lui-même, d’où un taux de suicide masculin invraisemblable. On atteint l’équivalent de l’overdose.

C’est pourquoi ces hommes ont souvent un problème d’addiction à l’alcool en parallèle, qui est la première substance utilisée pour se déconnecter de soi : L’alcool est en cause dans la moitié des cas de violence conjugale, il multiplie par 8 la probabilité d’une agression physique.

2 / Une addiction collective et systémique : quand la maltraitance infantile est extrême mais banalisée

Ces hommes violents et les femmes qui en sont victimes ont été des enfants. Nous avons tous été des enfants.

Or la violence envers eux dans notre société est extrême, il y a un déni collectif concernant leur souffrance et l’impact de celle-ci sur leur construction en tant qu’adultes. Ils sont violentés et violés, quand ils ne sont pas maltraités ou abandonnés, leur parole est niée, leurs traumatismes sont ignorés et leurs agresseurs protégés par un système de justice complaisant.

On autorise la société à traumatiser nos enfants, et à en faire des adultes cassés.

Aujourd’hui on sait ce qui se passe pour tous ces enfants qui ont des antécédents de maltraitance infantile : ils sont condamnés à des comportements à risque, à commencer par le tabagisme, une consommation anormale d’alcool, la consommation de drogues (surtout par injection), l’hypersexualité (reproduire le traumatisme pour reproduire la dissociation), la violence non canalisée,…

Au delà du risque d’addiction, ils ont plus de chance de connaitre la dépression, des états de stress post traumatique, etc.

Le cerveau est plastique : un traumatisme agit physiquement sur lui. Or cela est réversible.

3 / Une addiction favorisée par le patriarcat

Le problème est telle que la violence envers les enfants n’explique pas tout, il faut aussi regarder le patriarcat en face et admettre collectivement que la façon dont on éduque nos garçons les conduit au mieux à une incapacité à communiquer sur ce qu’ils ressentent avec les autres, au pire à des actes de violence.

Tant d’hommes sont violents parce qu’il s’agit d’un problème de société systémique et d’une affaire collective.

L’Espagne l’a compris, en en faisant une priorité politique le pays a fait des progrès incroyables et a fait baissé ses féminicides de 25% en 15 ans.

L’héritage patriarcal régit encore nos vies, on nous l’inculque dès le biberon : oui encore en 2022, pour beaucoup d’hommes leur masculinité passe par une certaine subordination féminine conjugale et domestique.

Leur valeur d’homme passe notamment par cette subordination, une thérapie permettrait entre autre de restaurer leur estime de soi, de comprendre que la masculinité peut exister sans être toxique, il est question de la redéfinir.

Il y a donc le soin, quand le mal est fait, mais il y a d’abord la prévention quand il est encore temps.

Il faut revoir complètement l’apprentissage de la masculinité et de la féminité qui se fait dès la cours de maternelle, et qui repose beaucoup sur une imitation des adultes : si on ne parviendra jamais à abolir le genre (je vise l’égalité, par l’utopie), il faut cesser d’enfermer les enfants dans des genres stéréotypés : les garçons doivent développer un sens émotionnel et relationnel, et comprendre que leur père n’est pas un exemple.

4 / Le gouvernement peut changer la situation, mais choisit de la maintenir

La solution doit sans aucun doute venir DU SYSTEME, qui doit comme on l’a vu, protéger mieux les enfants, et traiter les hommes violents comme des addicts.

Or l’Etat français n’assure pas sa mission et ne souhaite pas y mettre les moyens nécessaires. Aussi bien financiers – il s’agit de débloquer des fonds – que fonctionnels : la misogyne systémique de la Police et de la Justice sont directement responsables de cette violence envers les femmes.

En 10 ans les plaintes et les récidives n’ont jamais été si nombreuses, les féminicides n’ont jamais été si fréquents : dans le même temps les condamnations ont baissé de 40% !

5 / Plus le gouvernement est de droite, libéral et pro riche, moins les femmes et les enfants sont protégés

La solution c’est un gouvernement qui ne ment pas en disant qu’il fera de la sécurité des femmes la priorité de son quinquennat.

Les femmes sont battues et tuées en nombre parce qu’un pays développé et riche, préfère faire des cadeaux fiscaux aux ultra riches plutôt que d’empêcher les femmes de se faire violenter et tuer. Et les enfants de se faire voler leur vie. On n’a pas besoin de plus de flics dédiés à la répression – ils font en sorte que manifester et militer pour nos droits nous fasse peur – l’argent est là pour des agents spécialisés en violence conjugale.

Il s’agit en effet une question d’argent et de volonté : plus une politique est à droite plus elle croit en la répression, et met sous le tapis l’origine réelle de la violence de notre société.

Le système leur profite tellement tel qu’il est, qu’ils ne souhaitent pas le changer. Patriarcat et capitalisme, même combat, ils en ont besoin. Ils ne sont pas conservateurs par souci religieux, mais par souci de figer les rapports de domination (cf interdire les IVG).


Sources :
De la maltraitance infantile aux addictions de l’adulte, Oussama Kebir
Psychiatre, Addictologue, Chercheur en psychiatrie moléculaire, Praticien Hospitalier au GHU Psychiatrie & Neurosciences de Paris, Inserm

La violence : une forme d’addiction sans drogue ? Daniel Favre

Comprendre l’addiction à la violence, Maël Virat

Les auteurs de violence contre leur partenaire intime. Diversité des logiques d’action et des enjeux de soin, Eric Macé

Share:

You Might Also Like

Leave a Reply