Vietnam #1: Voyager, et partir loin.
J’ai très peu voyagé avant d’avoir 24 ans, mes voyages d’enfance se résumaient à 2 voyages en Algérie à 3 et 12 ans et quelques séjours en France. Très peu se sont bien passés, que ce soit pour des raisons financières ou familiales. D’ailleurs le second séjour en Algérie est à ce jour une des pires expériences de ma vie. Non pas à cause du pays, mais en raison du contexte familial dans lequel j’étais. Au point de développer une peur de partir trop loin. Mes premiers séjours avec D. m’ont réconcilié avec le voyage, en particulier celui aux Etats-Unis qui plus qu’un voyage, a été un véritable rite initiatique. Parce qu’avec lui je me sens en sécurité. Parce que je suis maitresse de mes décisions et qu’aucun adulte ne peut abuser de sa position avec moi. Parce que j’ai mon porte monnaie, et que je n’ai plus à minimiser au maximum mes besoins pour éviter les dépenses à mes parents. Parce que quand on est seuls face à des paysages grandioses, face à un vide abyssal pourtant rempli de richesse, l’impact psychologique est tel qu’on n’est plus la même personne en revenant. Toujours est-il que je n’acceptais de partir uniquement dans un contexte que je maitrisais, encore aujourd’hui si je ne maitrise pas toutes les composantes de mon voyage je ne suis pas sereine, mais se dire qu’au pire on a les moyens de se payer un billet d’avion pour se barrer en cas de problème change la donne. Alors qu’enfant, on est complètement dépendant des autres.
J’ai fini par ne pas vouloir sortir de ma zone de confort : pas de traversées roots de pays en sac à dos, pas de camping ou d’hébergement bas de gamme, je voulais voir de beaux paysages mais facilement accessibles, j’avais presque tiré un trait sur les pays en voie de développement. Amérique du sud, Afrique, Asie, des pays que je savais magnifiques mais qui me rappelaient ces moments qui m’avaient marquée. Qui me rappelaient la misère endurée par certaines populations qu’on côtoie pourtant lors de nos aventures touristiques, comme si de rien était, parce que contrairement à eux, on a de l’argent à dépenser*.
Lorsque j’allais en Algérie avec mon père, on arrivait dans sa belle voiture, vous savez celle qui caractérisait la réussite d’un émigré en France qui revient au pays, celle qui faisait croire à tous ces jeunes dont le futur a été compromis à la minute où ils ont vu le jour, que la France permettait de réussir, qu’ils y seraient plus heureux. L’American Dream à la française, bien qu’on en soit loin. J’avais 12 ans, et déjà, je ressentais ce malaise face à l’inégalités des chances, on arrivait telles des princesses aux souliers d’or, qui avaient la chance de vivre dans ce pays qui les faisait tant rêver, dans ce pays où même les filles sont plus libres. Dans ce pays, où garçons comme filles, pouvaient accéder à une bonne éducation.
Ce que moi je ressens vis à vis des personnes issues de milieux aisés, là bas ils le ressentent certainement au quintuple. Elevée dans mon quartier « difficile » dans un contexte familial un peu chaotique, j’enviais des gens parce qu’ils avaient eu des parents cultivés qui les ont élevés dans un appartement Haussmanien à Paris quand ils n’étaient pas dans leur maison avec Piscine en province, pour les plus chanceux. Leur environnement était peut être tout aussi chaotique, l’argent n’assurant pas une famille parfaite aux dernière nouvelles, mais le chaos servi dans une assiette en or massif se digère tout de même plus aisément.
Si moi, dans la France de tous les possibles, j’avais conscience de l’existence de cette chaîne alimentaire régie par la loi du plus privilégié fort, qu’en était-il de ces enfants presque condamnés à demeurer au bas de l’échelle ?
Je m’égare un peu, en bref je disais que je ne souhaitais plus partir loin sans maitriser de A à Z mes voyages, et que j’étais mal à l’aise et attristée face à des populations moins chanceuses.
Puis Comptoir des voyages m’a proposé de partir au Vietnam « en immersion ». Sans D. avec 3 personnes que je ne connaissais pas. Toute personne normalement constituée sauterait au plafond, moi j’ai un peu paniqué. Rien de méchant mais j’ai failli refuser ce qui a pourtant été une des plus belles expérience de ma vie.
Je vous en parle en détail dès la semaine prochaine avec 2 articles et plein de photos, aujourd’hui je voulais introduire ce voyage et expliquer l’état d’esprit que j’avais quand on m’a proposé cette belle aventure.
Au final j’ai bien fait de sortir de ma zone de confort, déjà parce que j’ai eu affaire à une agence de voyage qui pour moi a tout compris à la meilleure façon de voyager : de la découverte, une réelle compréhension des envies de chacun et non du tourisme commun, ou des visites à faire « parce que tout le monde les fait ». Je repasserai par eux pour certaines destinations car même la control freak que je suis ne peut pas trouver les plans de folies qu’ils nous ont trouvé. Et je ne dis pas ça parce qu’ils m’ont invité à voyager, si l’agence était comme les autres je me serais contentée de décrire le voyage sans en parler.
Et surtout parce que ce voyage a confirmé le ressenti que j’avais eu en revenant des Etats-Unis : en découvrant un pays, on se découvre aussi soi même, on se re-découvre. Par exemple je me suis rappelée du courage que je pouvais avoir étant plus jeune, que j’étais tout à fait capable de sortir de ma zone de confort sans trop de difficultés finalement. Je l’évite mais quand il faut le faire c’est clairement surmontable.
Le voyage a été merveilleux, ce pays incroyable à beaucoup à offrir, tout le monde devrait y aller un jour, pour ses paysages, ses habitants, sa culture si riche. Sans oublier de porter attention à ces gens qui ne sont pas touristes, mais habitants d’un pays dans lequel il n’est pas facile de vivre. J’ai rencontré une vietnamienne de 19 ans, Quinn, qui m’a fait part de son rêve d’aller un jour à Paris, alors qu’elle a très peu de chances d’obtenir un visa, on a parlé de l’impossibilité des vietnamiens de tenir un blog, de donner leur opinion, sans entrer dans des considérations politiques, je me suis souvenue de la chance que j’avais, de la chance qu’on avait en France d’avoir un système politique certes souvent stupide, mais loin de l’oppression. La chance qu’on avait d’être libres. Si mes rêves étaient plus difficiles à atteindre que ceux de ces enfants que j’enviais, je pouvais les atteindre en me donnant les moyens. Les rêves d’autres enfants, eux ne sont même pas palpables. Et pourtant ils gardent le sourire, ils ont le coeur sur la main, ils sont accueillants, ils auraient bien des leçons à nous donner. Quand elle me parlait c’était comme si j’étais une célébrité, elle me prenait en photo puis a posté 20 photos de moi sur son compte Instagram, elle m’a touchée. Je suis restée en contact avec elle sur Instagram, et je suis ses petites aventures vietnamiennes. C’est aussi ça un voyage, du tourisme, mais surtout de la rencontre et de la prise de conscience.
Une chose est sure, avec un voyage pareil, on se remplit d’images, de couleurs, on développe d’autres visions du monde, on magnifie son inspiration, on apprend à relativiser davantage, on remet en question sa façon de vivre, de consommer, d’exister.
Nous avons fait Hanoï, Hué et Hoi An, à très vite pour le prochain article de la série.
Je vous souhaite de passer un bon dimanche soir mes loulous, plein de bisous et tout et tout.
*Je parle bien du tourisme tel qu’on l’entend et le pratique communément : on va dans de beaux pays mais on passe ses journées à l’hôtel et à visiter les monuments. Enfin vous m’avez comprise ^^
Djahann
Tu as été super courageuse d’accepter de sortir de ta zone de confort ! J’ai du mal, moi. Du coup, je ne voyage plus. Même dans les destinations les moins exotiques (et donc les plus confortables). Alors je t’admire sur ce coup là.
Ensuite, j’ai beaucoup l’autre partie m’a beaucoup plu aussi même s’il y aurait encore à développer. Et ne pas oublier que malgré l’oppression, la pauvreté, etc, certains vivent bien plus heureux que nous qui avons tout. Car ils ont d’autres valeurs.
Djahann
Oups, je ne me suis pas relu et j’ai fait un mélange pour la dernière partie ! Bref, tu m’auras comprise !
dollyjessy
Oui oui je t’ai comprise ;) J’espère que tu parviendras un jour à le faire, ou au moins à essayer. Je me dis qu’on risque pas grand chose au fond. Ah oui il y aurait encore à développer mais je vais éviter de vous assommer ^^ Merci pour ton commentaire, à très vite.
Hélène
J’ai vraiment hâte de lire la suite, car cette destination me tient vraiment à cœur et tout comme toi, j’aime bien préparer mes destinations ! ;)) Bravo pour ton courage :)) des bisous
Hélène
ps: le prénom de cette jeune fille s’orthographie comme ça « quynh » c’est une fleur
dollyjessy
Merci Hélène, j’espère que la suite te plaira aussi, des bisous.
Qu'on se le dise
Waouh, amoureuse des mots et des belles phrases, admirative des gens qui parviennent à retranscrire des ressentis avec justesse ; je suis vraiment touchée..Par la forme de ton propos, avec tes phrases si délicates et justes qui concrétisent avec subtilité, des émotions impalpables ; mais surtout par le fond, par ce que tu nous y partage : le courage délicat et pudique que tu as de nous faire part, discrètement, de ton enfance éprouvante et de ce que cela t’a appris ; la sincérité minutieuse avec laquelle tu nous parle de ton cheminement géographique et intérieure…Merci de retranscrire si finement ce que nous sommes nombreux à ressentir. Comme toi, j’ai un besoin permanent de contrôle ; et surtout en ce qui concerne l’évasion, j’ai besoin de maintenir autour de moi cette bulle de confort, où que j’aille ; ce qui signifie prévision, rationalisation, maitrise, et aucune place pour l’inconnu. Et bien sur j’en souffre ; je n’ai même pas les moyens de voyager en France ; mais si j’avais l’opportunité de faire du tourisme, je pense que je ne parviendrai pas à trouver le courage de partir dans ces régions dépaysantes; car bien trop éloignées de ce que l’on connait ici, elles me font peur, par leur caractère inconnu. Je suis un peu écœurée du tourisme qui consiste à séjourner dans un hôtel aseptisé et ne voir que « the places to see/be », en évitant de se salir les mains et le cœur en visitant les lieux emplis de souffrance, de détresse, mais aussi de vie et de pittoresque ; et pourtant je sais que je ne suis pas du genre à partir faire le tour de l’Australie avec un petit sac à dos. Peut-être que comme pour toi, faire les bonnes rencontres, attendre le bon moment, partir dans ces régions de façon encadrée avec une agence de voyages sérieuse mais qui sort du lot ; peut-être que cela aide. Parce-que je regrette ce besoin de confort et de maitrise qui me coupe d’un pan entier de la réalité de notre monde, de ces multiples facettes ; qui ne sont pourtant pas néfastes parce-qu’inconnues ; au contraire, comme tu le dis, cette différence a tant à nous apporter , par son enrichissement, et sa capacité à nous secouer, nous confronter à d’autres réalités moins aisées, à relativiser; et à nous sortir de notre bulle, ou du moins à l’enrichir, l’agencer différemment,pour remplacer le besoin de maitrise par celui de découverte et d’apprentissage permanent.
En tout cas, comme tu le dis, on a quand meme beaucoup de chance en France, même si nous sommes sous l’égide de l’hypocrisie, de la corruption, de l’égoisme et de la fourberie ; on dispose quand même (encore?) de droits & libertés qui nous permettent de nous préserver et nous ouvrir au monde
Ton article m’a beaucoup touchée ; j’ai hâte de lire les suivants
Bonne journée
Mathilde
dollyjessy
Waouh ton commentaire est juste parfait, on est plutôt d’accord, j’espère que tu parviendras à te faire un peu violence pour sortir de cette zone de confort, mais chaque chose en son temps, tu as la vie devant toi après tout. Merci beaucoup j’ai adoré te lire, à très vite et des bisous Mathilde.
Oanez
Très belle introduction, à très vite pour le suite de ton voyage :)
dollyjessy
Merciii, la suite arrivera dimanche :)
Céline
Coucou Jess !
Je suis super contente pur toi que ce voyage ait été si attrayant et enrichissant pour toi. Il est vrai que de mon côté, je n’ai pas énormément voyagé pour l’instant. Je n’ai que 22 ans et j’habite encore chez mes parents (faute aux études) donc je n’ai pas encore mon indépendance. J’ai toujours voulu voyager…des pays comme la Thailande, le Japon, la Nouvelle-Zélande et le Brésil m’attirent énormément. Mais tout ça est loin et pour l’instant j’ai du mal à me projeter loin de ma famille. La distance et les trajets m’effraient un peu, mais je suis certaine que je ferai tous ces voyages un jour ou l’autre =)
Bisous Jess !
Céline
dollyjessy
Oh rassure toi à 22 ans, comme je l’ai écrit, je n’avais quasiment pas voyagé, il faut dire qu’en étant étudiante c’est complètement différent. Et c’est tout à fait normal de vivre encore chez tes parents ! Concernant la distance avec la famille j’étais pareil, en gros on est un peu pareilles à ce niveau. Tu finiras par dépasser ça je pense ;) Bisous Céline.