Sois heureux et tais-toi ? Les affres du « développement personnel » mal pratiqué
Qu’est-ce que le développement personnel ? En bref.
Vous avez tous déjà entendu parler de développement personnel. Cette discipline qui consiste à apprendre à se connaitre, à travailler sur soi pour améliorer/modifier ses comportements, ses mécanismes et ses schémas de pensées. L’idée est de se détacher de ses pensées négatives et limitantes, et de se défaire de ses angoisses ou de maux psychologiques qui nous empêchent souvent d’avancer au mieux. Tout cela passe par de multiples pratiques, comme la méditation, la pleine conscience,… dans le but de s’épanouir et idéalement d’être heureux. C’est une discipline que j’ai commencée à pratiquer sans le savoir, en lisant de la psychologie, et durant ma formation de comédienne où la première étape consiste à être « en vérité » avec soi. L’idée étant de s’ancrer, c’est à dire être présent dans son corps, dans sa vie, être dans le moment présent. Cela peut sembler abstrait mais c’est une façon d’être enraciné, pleinement conscient de ce qui nous entoure, en phase avec ce qu’on ressent, et de sortir de cet état où nous n’écoutons plus nos besoins, notre corps, au risque de se laisser bouffer par l’extérieur (concurrence, jugement extérieur, en bref des sentiments parasites et inutiles).
Cela a contribué à me faire avancer à certains moments de ma vie. Parce que je l’ai découverte avec les bonnes personnes, qui n’ont d’ailleurs jamais employé les termes « développement personnel ». Je vous dis ça car je suis déjà tombée sur des impostures, qui se vantent de pratiquer le développement personnel mais dont les pratiques ne sont pas du tout abouties, ou sont de pales imitations. Ils semblent détenir la vérité absolue (les gourous façon secte vous voyez ?), et ont des discours simplificateurs qui relèvent presque du marketing, basées sur des injonctions qui semblent ignorer l’inconscient : si agir sur son conscient suffisait à changer ses habitudes et comportements profonds de façon si évidente, ça se saurait. On n’aurait plus besoin de thérapies, de psychologie, d’hypnothérapie, d’EMDR, etc. Comme si nous étions directement responsables de nos mécanismes de pensées, et donc de notre échec si on n’y parvient pas.
Développement personnel de comptoir
Ce que je veux dire est que dans les discours galvaudés, vulgarisés, qu’on nous balance un peu partout en ce moment, le développement personnel semble s’appuyer sur une sorte de croyance, qui voudrait qu’on ait le pouvoir d’agir directement sur notre vie et d’empêcher voire d’engendrer des actions ou des évènements grâce au pouvoir de la pensée positive. De la même façon que la religion qui repose sur de la superstition et une notion d’infaillibilité. « SI TU VEUX, TU LE PEUX » « ET MA MAIN DANS TA GUEULE ? »
Or cette approche est forcément mauvaise, car repose sur une forme de volontarisme simpliste : nous aurions la capacité d’agir sur tout ce qu’il advient. Au lieu de gagner en bien-être, on va encore plus mal. Si vous choisissez un psychologue complètement pervers et cinglé, pas sure que votre thérapie vous fasse vous sentir mieux. Et bien le développement personnel c’est pareil, avec les mauvais axes, les mauvais conseils, cette obsession de la pensée positive, des gourous autoproclamés dans leur WC, l’épanouissement espéré peut vite devenir une descente aux enfers. C’EST CONTRE PRODUCTIF. Au lieu d’améliorer son estime de soi, on l’enfonce.
Car si le développement personnel est devenu si populaire, s’il existe de vrais spécialistes sérieux, on a vu se multiplier les spécialistes auto proclamés, et des discours généralisants, qui au lieu de laisser la place à un vrai travail, finit par reposer sur des mantras, des citations Pinterest, et donc par reposer sur la culpabilisation. Si on a « travaillé sur soi », mais qu’on retombe dans ses travers ou ses pensées limitantes, c’est que n’avons pas assez travaillé, pas fourni assez d’efforts. Bouh. (Même si on a perdu sa famille entière dans un accident de voiture en somme).
La tyrannie du bonheur : tous sous injonctions, sans exception
Des discours sont adressés ici et là, sans fond, mais surtout comme si nous étions tous identiques. Or ce qui est valable pour la majorité, ce qui est peut-être acceptable de dire à la majorité, peut être très indécent, quand c’est adressé à des « exceptions ».
Je m’explique.
On nous répète qu’il faut positiver, que le négatif attire le négatif. Certes, je suis la première à voir la vie de cette façon, AU QUOTIDIEN. Mais vous le savez, je peux faire preuve d’un réalisme, qui peut perturber parfois. Un réalisme lié à un vécu, à une expérience de vie, à des connaissances, sans œillères, sans paillettes, ni noirceur, avec toute l’objectivité possible. Sauf que ces gens, souvent des gens à la vie relativement facile et donc à la réflexion limitée associent cela à de la négativité.
Or être négatif et être réaliste c’est bien différent, si vous me demandez si j’ai espoir en l’humanité, peut-être que je vais vous déprimer. Mais au quotidien, je ne supporte pas les pessimistes « ordinaires » avec qui chaque sortie, chaque évènement, chaque voyage peut potentiellement virer au drame, pour RIEN : « on va rater le train » « c’est sûr qu’on ne trouvera pas de place » blablabla. Mais non on ne va pas le rater le train, on a le temps, et même si on le rate, ET ALORS ? Est-ce si grave franchement ? Je refuse qu’un simple avion raté, conditionne mon humeur pendant 24 heures, donne lieu à des disputes inutiles, voire plus. Ma philosophie c’est : « Au pire, qu’est-ce qu’on risque « ?
Sérieusement, la vie c’est dur parfois, tu perds des proches, tu te fais tromper, tu n’arrives pas à tomber enceinte, tu passes devant 10 personnes qui font la manche chaque semaine, et tu vas me faire un caca nerveux parce qu’on loupe un week-end à Strasbourg ? Si c’était un gros voyage on reprend des billets et on annulera le week-end de Pâques, pour compenser cette dépense imprévue. BASTA.
Quid de la décence ? De la singularité ?
Donc oui d’une certaine façon, le négatif attire le négatif, on peut le dire pour la vie quotidienne, mais on ne peut pas s’adresser à n’importe qui à coup de punchlines de développement personnel. « Sois positif pour reprendre le contrôle de ta vie », « Le mental peut tout changer ». « Si tu veux, tu peux ». « Sois positif et la vie te sourira ». « Ne sois pas une victime », blablabla.
Pour faire simple, balancer ce genre de phrases à quelqu’un qui a un vécu difficile, relève d’une indécence monstrueuse. Cela m’est arrivé le mois dernier, pour la deuxième fois de ma vie, on m’a dit, sans rien savoir sur moi, que j’étais surement le genre à m’apitoyer sur mon sort, et je l’ai très très mal vécu. Je me suis remise en question comme une folle, avant de réaliser que le problème venait de cette personne qui fait de la psychologie de comptoir, pas de moi. Je me connaissais mais elle m’a fait douter.
Comme s’il s’agissait de s’interdir les émotions négatives, désagréables, comme si la tristesse, la colère, la frustration, la déprime, le ressentiment n’avaient pas leur place, comme si ces sentiments étaient malsains, comme si on pouvait les éviter. Comme s’il fallait aller jusqu’à les nier.
Or on peut être triste sans passer par l’auto-flagellation, on peut s’autoriser de façon complètement légitime d’être en colère. C’est une question d’équilibre :
- Ne refouler aucun sentiment au risque de créer une bombe à retardement.
- Vivre ses émotions certes avec intensité s’il le faut, et apprendre à s’en détacher, s’en libérer, sans culpabiliser, sans s’y complaire, pour qu’à force cela se fasse de plus en plus sainement. Sans avoir peur, car je vous assure, même si vous ressentez un ras de marée à votre première méditation (ou toute autre pratique, cela peut passer par le sport, l’Art,…), même si vous avez l’impression que c’est trop fort, ce n’est pas le cas, au contraire vous allez progressivement être plus armé pour attaquer les évènement à venir.
On ne peut pas être « éveillé », « en vérité » avec soi et les autres, et nier des évènement ou des émotions, c’est ANTINOMIQUE.
Développement personnel, oui mais pas n’importe comment
C’est pour dénoncer ces discours, et les mauvaises pratiques de développement personnel qui pullulent que j’ai voulu écrire cet article.
C’est aussi pour casser le scepticisme que des gens peuvent avoir de pratiques comme la méditation, car je faisais partie de ces gens, qui mettent le développement personnel dans une case avec des disciplines spirituelles un peu farfelues.
Question d’éducation, mais j’ai changé, si je ne m’étais pas remise en question, ouverte à cette idée, je serais vraiment passée à côté de quelque chose. Peut-être même de ma vie.
Je ne dis pas que ma vie s’est métamorphosée, mais l’idée que j’avais, selon laquelle le bonheur repose sur notre capacité à vivre avec les évènements extérieurs quels qu’ils soient, s’en est retrouvée renforcée. Je le savais mais cela ne m’empêchait pas de refouler beaucoup de choses au yeux des autres, aujourd’hui je fais attention à ne pas faire de bosses sous mon tapis, et je développe les outils pour le faire.
Et c’est également pour sensibiliser les gens quant à la manière dont ils essayent de réconforter les autres, en disant à une personne qui vient de vivre un drame, qu’elle doit être forte, positive et avoir de l’espoir, c’est vous que vous essayez de soulager, pas elle. Parce que souvent on ne sait pas gérer les émotions négatives, on a mis tellement d’énergie à les éviter, dans la sphère familiale, professionnelle, amicale parfois, qu’elles engendrent un malaise, on a envie que ça passe donc on nie la souffrance de ceux qui ont besoin de souffrir avant d’aller mieux. Ou on les évite.
C’est pour cette raison que les gens mal finissent par s’isoler, ils ne savent pas composer avec les autres, le masque à porter est trop lourd. J’ai des amis avec qui on peut être tristes et passer de bons moments malgré tout, parce qu’on a le courage de le faire, parce qu’on a appris à le faire.
Dans ma famille, j’ai le souvenir d’un tas de moments tristes, où on est autour d’une table, où on parle du passé, de ceux qui ne sont pas là, c’est triste, mélancolique plutôt, mais on rit pourtant et ça donne des moments presque magiques, des moments qu’on verrait bien dans un film. Parce que c’est la vraie vie, et dans la vraie vie, les émotions négatives ne sont pas malsaines, et il peut arriver de pleurer en riant.
Ce n’est pas vraiment le plan que j’avais en tête pour cet article, c’est parti un peu en vrille mais j’aime bien ce que ça a donné, donc je n’y touche plus, c’est publié !
Voilà voilà, des bises les copains, PEACE LOVE.
Julie
Il y a une dizaine d’années, je n’allais pas bien. Je me suis penchée sur le développement personnel. Ça n’a pas collé. Je ne m’y retrouvais pas avec tous ces « bons » conseils. Et puis il y a eu un évènement dans ma vie qui a fait que j’ai changé du tout au tout. (C’est un choix que j’ai fait). J’ai renoué avec la méditation. J’ai fait bien plus de chemin avec la méditation qu’avec des livres ou des sites dédiés au développement personnel…
Un brin démodé
Un article qui fait réfléchir effectivement ! Prendre de la hauteur sur les événements et positiver est essentiel ! Sans se voiler la face bien entendu ;) Merci pour ce bon moment
Tasha
Une pensee, une plume. Un aticle bourré de realisme et d authenticité.
Milounette
Je te rejoins tout à fait, nous sommes dans une société qui ne nous autorise pas à être triste, en colère, déprimé… Il y a une véritable injonction à être heureux. Et (même si c’est plus complexe que cela), c’est pour moi très lié à notre système capitaliste où il faut être tout le temps performant.e. Or quand tu ne vas pas bien, tu n’es pas performant.e… Cela rejoint l’autre problème que je vois avec cette promotion à tout va du développement personnel : on fait retomber toujours la faute sur toi : si tu va mal, ce n’est pas parce que le système politique, économique, etc. va mal, produit des inégalités, ect., mais parce que ton regard sur lui n’est pas le bon !